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1982 - 30 juin ---------- Première en solo de la Directe Américaine
Christophe Profit


"Cette idée de réaliser l'ascension de la face ouest des Drus par la Directe Américaine en solo intégral m'est venue à l'esprit il y a deux ans. Le décor de cette face me fascinait, je l'avais déjà gravie plusieurs fois".

Ainsi s'exprime Christophe Profit en ce printemps 1982. Entreprise un peu folle que cette ascension en solitaire ? Sûrement pas quand on s'adresse à un grimpeur comme Christophe qui s'est offert dans cette même voie, accompagné de Rémi et Eric Escoffier, en septembre l'année dernière, une variante à l'un des passages-clés : le Dièdre de 90 mètres. Des cordées "bouchonnaient" dans cette partie rectiligne de la voie où la plupart des grimpeurs utilisent encore l'escalade artificielle. Pas moyen de "doubler" dans ces conditions, sauf en trouvant une autre ligne d'ascension ! Seuls des grimpeurs légers, particulièrement bien entraînés à l'escalade libre en falaise et utilisant les techniques propres à la falaise, pouvaient y parvenir.

Pour l'ascension en solitaire, Christophe met toutes les chances de son côté, avec, notamment, un entraînement physique préalable intensif : hivernales et ski de randonnée pour l'endurance, escalade en falaise et en bloc pour la technique... En outre, et bien qu'il l'ait parcourue à plusieurs reprises déjà, il souhaite "reconnaître" la voie afin de "travailler" les passges les plus difficiles pour être en mesure de les réaliser en toute sécurité lorsqu'il aura posé la corde d'assurance. La "dülfer" de 45 mètres et le dièdre de 90 mètres sont ainsi explorés, mètre par mètre, les mouvements enchaînés, recommencés si nécessaire.

Lorsqu'il démarre, du pied du socle, il porte, pour tout équipement, un survêtement, une paire de chaussons d'escalade et un marteau à glace pour le cas où des fissures seraient encombrées de glace dans le haut de la paroi. Un sac de magnésie complète le matériel du grimpeur : la poudre magique qui absorbe la transpiration des mains est utilisée depuis de nombreuses années par les "Bleausards" ; en haute montagne, son usage est loin d'être systématique !

C'est avec un plaisir intense que Christophe passe en "libre" les passages difficiles : "dülfer", "grattonnage", cotations en 6a, 6b ont remplacé les anciens passages en escalade artificielle. "Les mots sont impuissants pour exprimer ce plaisir fou, celui d'enchaîner des mouvements rapidement et sans hésitation, comme le fait un danseur".

les Drus

Aucun droit à l'erreur, pourtant, dans cet exercice de style que constitue le solo intégral. "La connaissance de ses limites est la qualité primordiale du grimpeur solitaire. Du fait de sa légèreté, il possède beaucoup plus d'aisance gestuelle. C'est de la gymnastique en paroi. Mais le grimpeur doit accepter certaines servitudes : hygiène de vie (pas de tabac, pas d'alcool, règles diététiques...), équilibre psychologique, entraînement intensif permanent et équilibré (assouplissements, tractions, footing...)"

La face ouest des Drus verra revenir Christophe Profit plusieurs fois, et notamment deux ans plus tard, avec Jacques Winterberger, pour un nouveau projet : l'enchaînement Directe Américaine-Petites Jorasses-Grandes Jorasses. Après une courte nuit aux Grands Montets, les deux alpinistes sont au pied de la voie à une heure du matin. Vers 4 heures du matin, ils doublent une cordée endormie au bivouac et à 6 heures, ils sont au sommet, prêts à repartir pour continuer leur enchaînement. "Je commence à bien la connaître, cette Directe, dit Christophe.(...) Pour pobtenir un haut niveau en escalade, il faut grimper tous les jours. Il n'y a pas de secret".