|
1964 - 8 et 9 juillet ---------- Première hivernale face nord
Georges Payot - Yvon Masino - Gérard Devouassoux
|
|
Ouverte en 1935 par Pierre Allain et René Leininger, la face nord
des Drus est convoitée depuis plusieurs années déjà.
Pourtant, en 1929, on la pense encore quasiment impossible à gravir.
"L'ascension de l'aiguille du Dru par la face nord a été
envisagée de longue date par bien des alpinistes. M. E. Fontaine
a examiné de près cette hypothèse et, depuis, des essais
de réalisation ont été tentés soit depuis le
bas, soit à partir du sommet du Petit Dru (...). La partie de muraille
propre au Petit Dru présente au grimpeur l'attirance d'une splendide
paroi rocheuse vierge, dénuée de dangers objectifs considérables
autant qu'il a pu en être jugé. (...) Au-dessus d'un point
situé ver l'altitude 3000, des cheminées sans doute très
ouvertes et très lisses coupent une paroi presque verticale et aboutissent
à la Niche du Dru. (...) De toute évidence la grimpée
de ces cheminées s'avère très difficultueuse, sinon
impossible. De là, il conviendrait peut-ête de remonter la
pente neigeuse et glacée formant le sol de la Niche pour ensuite
utiliser une grande cheminée (...). On imagine aisément quelle
fatigue physique entrainerait la réalisation d'un tel programme :
il est certain que presque partout le grimpeur se heurterait à des
difficultés formidables ; un bivouac en des lieux qui ne semblent
guère s'y prêter devrait être, par surcroit, envisagé."
|
|
|
Malgré sa conquête, en 1935, par Pierre Allain et René
Leininger, Pierre Blanc décrit encore en 1953 la face nord des Drus
comme une "sinistre muraille, s'élevant d'un seul jet de 1000
mètres au-dessus du glacier du Nant Blanc et semblant défier
l'audace des meilleurs grimpeurs. Avec ses énormes dalles verglacées,
surplombs, couloirs de glace noire, rochers pourris, la face nord n'est
peut-être pas plus difficile que la face ouest, mais les conditions
d'escalade sont rendues beaucoup plus pénibles, ne serait-ce qu'en
raison du froid qui y règne en permanence".
En ce début d'hiver 1964, le froid est là, mais la neige
se fait attendre. Le mois de janvier est calme pour les moniteurs de ski.
Ils ont du temps libre à leur disposition.
|
Habitués à courir la montagne ensemble, Gérard Devouassoux,
Yvon Masino et Georges Payot se décident. Le beau temps semble stable,
et malgré les difficultés que peut représenter cette
ascension en hiver, malgré les échecs d'autres cordées,
ils se mettent en route. Le nouveau tronçon du téléphérique
Lognan-Les Grands Montets vient d'être inauguré. Ils empruntent
la première benne des ouvriers à 8 heures ce 7 janvier, ce
qui leur permet d'arriver au pied de la face deux heures plus tard.
"Elle est très belle, cette face, toute raide et ridée
comme un visage. Peu rassurante aussi". L'ascension se fera sans anicroche,
malgré le froid mordant. En fin d'aprè-midi, les trois Chamoniards
bivouaquent au-dessus du Râteau de Chèvre, dans la voie Allain.
Vêtus de bons duvets et chaussés de grosses chaussures de cuir
"spéciales hivernales" garnies d'un chausson intérieur,
ils avancent sans difficulté notoire et dorment, le lendemain à
la Boîte aux Lettres. La fissure "Martinetti", passage-clé,
ne leur posera pas de problème particulier et ils déboucheront
en haut de la voie vers 17 heures. Un troisième bivouac sera, bien
sûr, nécessaire, les journées étant particulièrement
courtes en cette saison.
De retour dans la vallée vers 20 heures le lendemain, ils y seront
accueillis comme des princes. "Ils prennent alors conscience de la
qualité de leur exploit. Le champagne coule sur le pas des portes.
Dix-neuf bouchons explosent dans Chamonix qui, cette nuit-là, a beaucoup
de mal à s'endormir".
"La progression des alpinistes a été très
rapide pour une ascension de cet ordre. C'est une belle réussite
et cette première hivernale était fort convoitée."
lira-ton dans la presse spécialisée.
|
|
|
|