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1957 - du 10 au 14 mars ---------- Première hivernale face ouest
Jean Cousy et Réné Desmaison


" Pour réussir une hivernale, le meilleur des équipements ne suffit pas, il faut en plus une excellente forme physique (...). Pour conserver le bénéfice de la saison d'été, une grande discipline est indispensable. La présence de la neige et de la glace sur le rocher, les basses températures, les jours plus courts rendent les ascensions infiniment plus périlleuses. La lutte de l'organisme contre le froid épuise autant, si ce n'est plus, que les efforts produits pour surmonter les difficultés de l'ascension."

Tel est l'état d'esprit de René Desmaison et de son compagnon lorsque, le 10 mars 1957, ils se mettent en route pour rejoindre le Rognon des Drus. "De Chamonix au pied des Drus, 1 800 mètres de dénivelé. Enfonçant par moments dans la neige jusqu'aux cuisses, alourdis par les vingt kilos ajustés à notre dos, il ne nous faut pas moins de six heures pour atteindre le Rognon des Drus. Nous nous y accordons un repas et un repos d'une heure. En été, on va de ce point à la rimaye du couloir en vingt minutes. Mais la neige est si profonde - nous en avons jusqu'au ventre maintenant - que nous devons contenur une véritable tranchée. C'est un travail pénible..."

les Drus
les Drus

Le lendemain, le temps est beau ; mais les conditions d'ascension restent très difficiles : couloir empli de neige profonde, passages délicats sur des rochers enrobés de glace... "Le temps s'écoule vite, trop vite. A 16 heures, nous ne sommes qu'à cent mètres au-dessus de la rimaye. Il est évident que nous ne pourrons pas atteindre les terrasses de la face ouest avant la nuit. Plus haut, le couloir se redresse, nous allons trouver la glace. Pas question de cramponner à la limite de l'équilibre ; avec les charges que nous portons, il faudra certainement contenur."

La deuxième journée, et malgré le beau temps persistant, l'escalade s'avère toujours extrêmement difficile : "rochers enrobés de verglas, passages délicats, glace noire et dure comme du verre de bouteille tapissant le couloir, difficultés extrêmes, ombre glacée qui engloutit tout le couloir et que le soleil ne touche jamais à cette époque..."

Au bivouac , les "gorges serrées de fatigue n'acceptent que peu de nourriture et rapidement, sans penser au lendemain, blottis dans nos sacs de couchage, nous sombrons dans le sommeil."

Le 12 au matin, Les alpinistes renoncent à leur projet initial et décident d'escalader seulement la face et de redescendre par le même chemin. Ainsi, allégés, ils peuvent alors continuer leur ascension dans un horaire-éclair. Après un troisième bivouac, ils atteignent le sommet de la face le 13, en début d'après-midi. "Une partie difficile nous reste à jouer ; la descente de la face ouest en rappel. Le rappel est un exercice dangereux par l'attention soutenue que l'on doit y apporter. Beaucoup d'alpinistes en ont fait la mortelle expérience. Cette descente a été, en fait, une grisante voltige en plein ciel, au-dessus d'un vide fantastique."

De retour au Lavancher à 8 heures du soir le 14 mars, les deux alpinistes avoueront que cette ascension reste la plus sérieuse entreprise alpine que chacun d'eux ait jamais effectuée.